Un forum citoyen auquel s’est associé le Forum Transfrontalier, s’est tenu le 14 janvier dernier à la Maison des Sciences de l’Homme et de l’Environnement de l’Université de Franche-Comté à Besançon. Le thème posé, « Frontières du passé, frontières dépassées », a réuni autour d’une table ronde, un ensemble d’acteurs, politiques et scientifiques, qui se sont interrogés sur les effets-frontière, dans une étude comparative et historique.
La table ronde a permis d’accueillir Mr Bodineau, ancien Président du CESER de Bourgogne, Mr Jean-Claude Duverget, ancien conseiller régional de Franche-Comté, Mr Philippe Receveur, ancien Ministre du Canton du Jura, Mr Jérôme Loiseau, Maître de Conférences en Histoire moderne rattaché au Laboratoire de Sciences Historiques (LSH) de l’Université de Bourgogne – Franche-Comté et enfin Mr Alexandre Moine, Professeur de Géographie rattaché au Laboratoire ThéMA de l’Université de Bourgogne – Franche-Comté.
L’objet de cette rencontre était de comparer l’influence des limites et des frontières qui bornent nos territoires, dans l’histoire longue. Plus précisément il est étudié la différence entre la frontière Bourgogne – Franche-Comté et la frontière France-Suisse et ce que ces limites produisent en termes de jeux d’acteurs et d’organisations spatiales en lien avec des représentations.
Il est apparu, au travers des différentes présentations, quatre modèles de coopération qu’il est intéressant d’analyser. Ceux-ci se définissent tantôt par rapport à des acteurs en réseau, sans forte dimension spatiale, tantôt par de forts ancrages spatiaux qui produisent des effets importants en termes de jeux d’acteurs et d’organisations spatiales. Ces modèles interrogent bien entendu le rôle des limites et des frontières dont la variabilité temporelle est reconnue. Les quatre modèles sont les suivants :
- Le modèle de coopération à distance comme celui qui a pu lier la Région Bourgogne et la Rhénanie Palatinat. Il s’agit d’une coopération choisie qui ne fâche pas, la frontière est effacée, on coopère à distance mais cela ne produit finalement pas de dynamiques en termes de développement ;
- Le modèle de coopération au sein d’une entité définie comme celle du Grand Est. La frontière englobe une communauté mais au final cela ne produit pas grand-chose… On ne crée pas de dynamique dans ce type de regroupement sauf à avoir une vraie volonté de faire ensemble, mais la taille du territoire n’est pas efficiente dans le cas du Grand Est. Finalement, on fait ensemble mais pas plus que ce que l’on peut faire et le modèle est relativement figé dans le temps ;
- La coopération réticulaire, selon laquelle la frontière n’existe plus, elle se transforme en sorte d’axe avec des acteurs isolés spatialement les uns des autres mais qui souhaitent coopérer, comme autour de l’axe Rhin-Rhône. A titre d’exemple, le Réseau Métropolitain Rhin-Rhône (RMRR) a débuté sur une logique de coopération entre des techniciens des Agences d’Urbanisme durant plusieurs années, mais sitôt posé les bases politiques de la coopération, ce projet est mort. Il n’y avait pas de logique de développement d’ensemble et les différentes villes ou agglomérations n’ont pas su ou voulu dépasser leurs divergences en termes de développement ;
- La frontière internationale, enfin, seul modèle qui fonctionne sous l’angle de la coopération et en définitive seul modèle qui juxtapose de véritables différentiels socio-économiques et institutionnels… C’est finalement autour des frontières que se développent les dynamiques les plus intéressantes. Ce sont les différences qui suscitent les échanges multiples, elles exacerbent une forme de concurrence et la frontière devient vertueuse si elle est appréhendée dans une logique de co-développement. Mais nous n’en sommes pas encore là dans l’Arc jurassien. Le modèle de coopération sert souvent à recoller les morceaux parce que les différences entre les deux pays sont telles que les dynamiques dépassent nos capacités à les réguler ; le modèle est très concurrentiel et en terme d’aménagement on a toujours un coup de retard. Mais c’est le modèle qui permet de produire un développement concerté si les conditions sont mises en place pour le faire. Et c’est le cas dans l’Arc jurassien avec la mise en place de la CTJ ; hier Communauté de Travail du Jura, aujourd’hui Conférence Transjurassienne. Ce qui explique la difficulté à coopérer, c’est l’identité internationale de la frontière qui amène notamment en France, l’Etat régalien à être prudent. Il manque ainsi cette reconnaissance des spécificités locales et des attentes en termes de développement fondé sur des zones franches, des couloirs dédouanés, ou encore la prise en compte de particularités socio-économiques (aire de chalandises transnationales, concurrence entre les entreprises, etc.)
En fin de compte, force est de constater qu’il y a des frontières qui ne produisent pas de dynamiques, c’est le cas de la frontière entre Bourgogne – Franche-Comté qui a plutôt suscité des tensions politiques dans son histoire longue et seulement des zones d’ombres dans son histoire récente. Dans ce cas, les aires d’influence institutionnelles régionales se sont finalement trouvées bornées, dans la mesure où la coopération trans-régionale ou trans-départementale était suspecte. Aucun projet n’a donc émergé et aucun dispositif véritablement dynamique n’a été créé pour associer les espaces périphériques des entités régionales, c’est particulièrement visible entre Bourgogne et Franche-Comté. En l’absence de différentiels, c’est de dynamisme politique dont il est alors question, sans véritable reconnaissance réciproque et engagement dans la coopération, des territoires peuvent exister sans que se créent de véritables dynamiques.
Alexandre Moine, Président du Forum Transfrontalier Arc jurassien
Besançon, le 31 janvier 2017
- Programme de la table ronde :
http://actu.univ-fcomte.fr/agenda/frontieres-du-passe-frontieres-depassees-0#.WJCY6RxDImU - Pour entendre et regarder la table ronde :
http://www.streameo.tv/video.php?id_prod=600