Éditorial
Et si nous prenions le temps de regarder en arrière, de comprendre d’où nous venons ? Lorsqu’en juillet 1969, des spationautes assistent au lever de terre depuis Apollo, l’Humanité prend conscience de la finitude de la terre et de notre isolement dans l’univers… Des centaines de milliers d’années auparavant des hommes avaient ouvert des routes migratoires depuis les premiers foyers de peuplement pour découvrir cette même terre… métissant l’espèce humaine à l’infini. Et finalement, en à peine un siècle nous avons frileusement cloisonné cet espace commun, cédant à la suspicion, attisant la crainte de l’autre.
C’est un autre projet que nous nourrissons au Forum Transfrontalier, autrement plus ambitieux que le repli haineux proposé de manière insistante par certains. C’est celui d’un territoire transfrontalier où les identités sont affirmées dans ce qu’elles ont de plus noble et au sein duquel les différences sont source de créativité. Nous entendons pourtant la petite musique nauséabonde qui ici et là pointe celui ou celle qui n’est pas d’ici, qui est différent(e)… nous savons où cela a mené à plusieurs reprises pour le pire, en Allemagne, en Bosnie, au Rwanda ou encore en Birmanie. Comment pouvons-nous ne pas réagir en l’entendant… Sommes-nous à ce point amnésiques ? A ceux qui n’ont pas le courage de regarder la frontière en face et font craindre aux plus craintifs, le pire, nous répondons que l’avenir de l’Arc jurassien se trouve résolument dans une frontière vivante, dans une population métissée. Notre richesse est dans le partage, la reconnaissance de l’autre… Mais rien de cela n’est inné et notre projet est d’interroger les moyens de parvenir à maintenir les conditions d’un vivre ensemble.
Un récent temps de réflexion proposé par le CICM de Neuchâtel nous a amené à proposer de réinterroger les relations transfrontalières au prisme de la culture et des arts de la rue. Ou comment tourner en dérision ce qui nous amène à nous crisper par rapport à l’autre. Qui est ce « Frouze » qui vient faire de l’argent au volant de son Audi dernier cri ? Qui est cet Helvète qui vient voler les escargots français et lancer sa poubelle par la fenêtre de sa puissante berline ? Et au milieu circuleraient les CFF sur les rails de Réseau Ferré de France, en buttée à Morteau ! Tous les moyens sont bons pour montrer que nous sommes finalement bien proches les uns des autres et qu’en faisant circuler les idées, les gens, les choses, nous avons plus à gagner qu’à perdre…
Nous ne perdons pas de temps en paroles acides, nous agissons et surtout nous tentons d’élever le débat, d’éclairer là où la noirceur rend la vie impossible, là où certain(e)s qui répandent le doute et l’hostilité n’osent évidemment pas se risquer intellectuellement. Penser autrement le développement économique, tel est notre projet pour cette nouvelle année, incarné par un Cycle 9 novateur en appui sur un Laboratoire éphémère qui croise les nationalités, les intelligences et se pose ici et là pour travailler le concept d’économie présentielle au prisme de la dimension transfrontalière…
Parce que nous nous devons de partager ce magnifique Massif, il faut innover toujours et encore… et pourquoi pas un Président français pour piloter une association suisse ? Nous le faisons, pour le meilleur…
Alexandre Moine, Président du Forum Transfrontalier Arc jurassien
Besançon, le 15 février 2018