Imaginerait-t-on les USA sans Obama, sans Gouvernement indépendant, sans Administration centrale, sans Parlement fort, sans politique extérieure, sans élection populaire, sans poids sur la politique internationale, sans Armée, avec un budget d’ensemble de 1% du PIB seulement contre 24% actuellement, et avec une opinion publique de plus en plus décalée ? C’est pourtant l’organisation déficiente actuelle de l’Union Européenne.
Ce continent pourrait être le plus puissant de la planète. Or, sa Commission européenne est bornée au rôle de secrétariat ; son Parlement européen agit comme un béni-oui-oui ; ses chefs d’Etat et de Gouvernement manquent de temps, ne se réunissent que quelques fois par année, la nuit, et décident chaque fois aux aurores, épuisés ; ses parlementaires le plus souvent absents sont issus de la classe des laissés-pour-compte de la politique interne des Etats et ne se sentent responsables que devant leur opinion publique nationale. Deux Etats déterminent ce qui est bon ou mauvais pour l’Europe, sans tenir compte des plus petits Etats-membres, ni des citoyens européens.
Or de nombreux projets relèvent aujourd’hui, en 2014, d’une volonté de sursaut d’une Europe forte, démocratique, fédérale, qui sache faire passer la démocratie européenne à la vitesse supérieure qu’elle n’avait pas pu atteindre lors de sa création avec Jean Monnet :
- Le Manifeste « Debout l’Europe», Actes Sud, et la publication De la démocratie en Europe, Ed. Flammarion, l’été 2013, ont fondé un réel courant nouveau
- Le site www.europeinourhands réunira en avril 2014 trois millions d’Européens en une chaîne de mobilisation fédéraliste courant de Madrid à Varsovie
- Plusieurs figures européennes de haut niveau s’engagent, telles Guy Verhofstadt, a. Premier-ministre belge, candidat à la succession de Manuel Barroso, une grande alliance pro-européenne réunissant des libéraux, des verts, des socialistes et des conservateurs, ainsi que plusieurs partis politiques, ministres, députés européens, sociétés civiles et réseaux sociaux
- La proposition de créer une Assemblée constituante pour une Europe fédérale sera déposée auprès du tout nouveau Parlement européen élu le 25 mai 2014
- A l’image de la Conférence de Philadelphie de 1787 aux USA, se profilera pour 2017 le projet de tenue d’une Convention fédérale européenne
Même si elles se heurteront à un très fort mouvement souverainiste national, et aussi, on s’en doute, au courant sceptique, voire hostile, de l’establisment, et peut-être aussi en réaction à une victoire trop vite annoncée des Eurosceptiques en Europe, les Elections européennes du 25 mai 2014 prochain pourraient être le tremplin d’une nouvelle Europe, d’une Europe politique fédérale. Vitale, cette construction politique sera la nouvelle bataille de l’Europe, dont l’enjeu, en quelques principes-clés, sera de construire une Europe qui écrive une Constitution fédérale sachant unir les peuples et les Etats, érige une citoyenneté européenne au même plan que la citoyenneté nationale, élise son président au suffrage universel, installe un Gouvernement européen formé de ministres déliés de tout intérêt national de leur pays d’origine, substitue la règle démocratique de la majorité à celle, désuète, de l’unanimité, acquière un statut d’influence sur la scène internationale des plus grandes puissances régionales, au regard d’une mondialisation qui s’avère ravageuse pour les peuples et les citoyens d’Europe. Et ainsi construise une Europe de demain « forte et cohésive », et non plus, comme aujourd’hui, « faible et divisée ».
Des forces nouvelles se mettent en action pour une construction politique de l’Europe qui sache, à l’image de la Conférence américaine de Philadelphie de 1787, réinventer une nouvelle souveraineté de l’Europe. L’alternative est simple : soit on continue à faire ce que l’on fait, c’est-dire une Europe des petits pas, des tâtonnements et des compromis, et on perd, chaque jour, davantage l’opinion publique, soit on définit à moyen terme une vision plus radicale afin de donner une perspective politique aux peuples, qui ont désormais le choix entre exister ensemble ou disparaître, et non plus entre être indépendants ou s’unir.
Née de principes très similaires en 1848, la Confédération suisse serait bien inspirée de prendre en compte les mouvements fédéralistes non négligeables qui vont traverser son partenaire européen en 2014.
Jacques-André TSCHOUMY