Confinement
où il est question de « communication écran »
Je regarde mon écran d’ordinateur et scrute les faciès de mes amis. Chacune et chacun joue le jeu. Nous sommes tous polis, attentifs, signalant notre propension vers l’autre, vers les autres. Nous faisons tout pour paraître dans notre état normal, alors qu’il n’y a rien de normal à tout ça. Je regarde, je scrute, je tends l’oreille, J’ÉCOUTE, la distribution de la parole se fait comme elle peut.
Et là, d’un coup, mon écran n’est plus cette petite fenêtre sur le monde, ce lien vers les autres, il devient vraiment ce que sa dénomination veut bien dire, au fond : il fait écran. Et à partir de là, je commence à bouger sur ma chaise, les visages de mes partenaires me semblent flous, la mimique des autres me manquent, je ne veux plus regarder ma tronche, il n’y a pas d’odeur, pas de même lumière pour tous, pas de train qui passe à côté de la réunion et qui arrête le débit des paroles pour un instant, rien de cette « matière fine » qui compose l’être ensemble.
Et pourtant, nous avons déjà tous pris l’habitude de cela. Nous nous habituons à vivre une vie décharnée pendant que beaucoup s’éteignent lamentablement dans leurs lits d’hôpital.
Walter Tschopp
Saint-Blaise, le 19 novembre 2020