Retour sur l’AG de la CCI du Doubs, lundi 25 novembre 2019 au Théâtre Bernard Blier à Pontarlier
La Chambre de Commerce et d’Industrie du Doubs (CCI25) inaugurait le lundi 25 novembre en soirée, sa nouvelle antenne Haut-Doubs à Pontarlier. Le dynamisme de ce territoire frontalier n’aura échappé à personne, notamment dans le domaine du commerce, et c’est tout naturellement que cette antenne de la CCI propose une formation en lien avec l’Ecole de Commerce IMEA qui est présente sur ce site. Les effets-frontière sont ici très prégnants, et lors de ce temps inaugural, la parole était donnée au Forum Transfrontalier pour une heure de présentation et de débat autour de son dernier Cycle consacré à l’économie résidentielle. Sans revenir sur les conclusions de ce cycle + voir le Manifeste, le visionnage du film + voir le film dans sa dernière version suivi de l’intervention de Bernard Woeffray, ont introduit un débat autour du ton « provocateur » utilisé par le Forum Transfrontalier qui avance le fait que dans l’Arc jurassien, derrière certains indicateurs classiques « au vert » (revenu médian, taux de chômage, nombre de commerces, dynamisme de la construction, etc.), se dissimulent des situations structurelles beaucoup moins enviables. Nous parlons ainsi de situation perdant/perdant à l’échelle de l’Arc jurassien, ce qui distille un sentiment négatif qui est remis en question par certains élus. Mais il a été expliqué, que les regards extérieurs à l’Arc jurassien se cristallisent sur les indicateurs « au vert », or ceux-ci masquent de réelles fragilités (fortes mobilités, pollution de l’air, consommation de foncier, coût des loyers, coût de la vie, fracture sociale, capacités de financement des collectivités locales, difficultés à planifier des aménagements conjointement, etc.). Elles sont nombreuses, systémiques et difficiles à synthétiser en quelques mots, d’où l’usage d’un vocabulaire destiné à attirer l’attention des acteurs politiques et techniques éloignés de la frontière. Il faut sortir de l’effet de halo « eldorado » qui imprègne les territoires transfrontaliers pour convaincre de regarder les difficultés locales auxquelles sont confrontés les gens qui vivent à côté de la frontière.
Et justement, il a été évoqué, compte tenu de ces difficultés, la question du droit à l’expérimentation dans les territoires transfrontaliers. En reconnaissant leurs difficultés, il s’agit de convaincre, notamment l’Etat qui légifère, d’autoriser à la mise en place de solutions spécifiques, en dehors des dispositifs habituels. Ceux qui vivent les effets-frontière, en profitent mais aussi en souffrent, sont les plus à même de comprendre quelles solutions mettre en place, non pas pour profiter toujours plus de ces effets, mais pour ajuster sans forcément harmoniser, établir des passerelles quelques fois temporaires, concéder des dérogations pour fluidifier les relations. La formation a été à ce titre mentionnée… et plutôt que de lister les difficultés et de déplorer qu’il est impossible de mettre en place quoi que ce soit, il faut négocier ce droit… La question est alors posée du poids des élus locaux dans l’Arc jurassien, pour peser en ce sens…
Autre point saillant du débat, donc, le rôle des élus… en effet le Forum Transfrontalier a pointé, face aux entrepreneurs présents, la nécessité de prendre un rôle dans le développement local au sens large, en appui sur la société civile et les habitants de ces territoires. En mettant en avant ce triptyque, il ne s’agit pas d’écarter les acteurs politiques locaux, mais de créer les conditions de coopérations à la fois locales, de chaque côté de la frontière, mais surtout transfrontalières. Les acteurs de la coopération transfrontalière sont connus, ils oeuvrent sur nombre de dossiers, et cela leur est reconnu, mais ce qui est en jeu alors c’est ce que les acteurs locaux (habitants, associations, entreprises) peuvent spontanément faire ensemble… A contre-courant de l’idée de repli sur soi, il s’agit de mutualiser en transfrontalier, d’exiger le droit à l’expérimentation : un équipement peut être suisse et être utilisé par des français et l’on rejoint la question de l’expérimentation si on touche à la santé… ; un train suisse peut rouler sur le sol français et l’on rejoint la question de la navettisation entre La Chaux-de-Fonds et Morteau, on peut lier les systèmes de formation et établir des passerelles pour les stages d’apprentis, une entreprise française peut engager une double implantation de part et d’autre de la frontière… non pas pour une maximisation des profits et la recherche d’opportunités, mais parce que chaque localisation offre pour le territoire des logiques de développement spécifiques au profit de la communauté transfrontalière.
Nous avons conscience de déranger certains, nous ne ménageons pas nos efforts, arpentons le terrains, écoutons les un.e.s et les autres, proposons des pistes… nous ne sommes pas hors sol, mais citoyens qui vivons l’Arc jurassien pleinement et le regardons avec du recul. Au sortir de cet intéressant débat, nous sommes plus que jamais convaincus du rôle des entreprises pour changer le regard sur les relations transfrontalières, et de la nécessité d’oser aller vers des dossiers partagés pour innover…
Alexandre MOINE, Président du Forum Transfrontalier Arc jurassien
Besançon, le 27 novembre 2019