Marcel Schiess
La collaboration entre États est fondamentale dans la coopération transfrontalière entre la Suisse et la France. Madame Rebekka Benesch a accepté de répondre à nos questions dans le contexte actuel de pandémie.
- Pouvez-vous s’il vous plaît présenter votre fonction ?
En tant que Cheffe de la section droit, affaires transfrontalières et communication à l’Ambassade de Suisse à Paris, je consacre une grande partie de mon travail à la coopération transfrontalière. Je m’entretiens ainsi avec les différentes entités en charge de ce sujet à Paris et à Berne, principalement le Ministère des Affaires étrangères et de l’Europe et le Département fédéral des affaires étrangères mais aussi différents ministères thématiques (santé, intérieur etc.) dans les deux pays.
Au niveau juridique, j’apporte avec mon équipe des renseignements sur des questions des particuliers, par exemple des ressortissants suisses en France et je soutiens l’entraide judiciaire au niveau étatique. Je participe et suis la négociation d’accords bilatéraux entre la Suisse et la France. En outre, je m‘occupe également des sujets liés aux droits de l’homme, au droit international et la migration.
D’autre part, je veille à la bonne communication de l’Ambassade envers la communauté suisse via nos lettres d’information régulières, le site internet de l’Ambassade et les réseaux sociaux. A cela s’ajoute, mon rôle de porte-parole auprès des médias suisses et français. J’organise aussi des tables rondes avec des personnalités suisses dans des domaines où la Suisse dispose d’une expertise particulière.
De manière plus générale, l’action diplomatique en France de l’Ambassade est riche et intense. Les relations franco-suisses se sont, au fil des années, continuellement renforcées à tous les niveaux. Afin de soigner ces liens indissociables, le travail de l’Ambassade est notamment de promouvoir l’économie et la compétitivité, les sciences et l’innovation ainsi que la culture.
- Quel est le rôle de l’Ambassade de Suisse à Paris dans la coopération transfrontalière?
La coopération transfrontalière est un des dossiers prioritaires des activités de l’Ambassade. Elle concerne des champs très variés : la coopération sanitaire, policière, douanière… en effet, elle touche à tout ce qui lie nos deux pays. L’Ambassade prend part aux différentes réunions franco-suisses en y apportant son expertise dans le domaine.
Ces dernières années, l’Ambassade a également collaboré activement aux négociations menant à l’accord intergouvernemental entre la Suisse et la France relatif à la fiscalité applicable à l’aéroport binational de Bâle-Mulhouse ainsi qu’à l’accord-cadre sur la coopération sanitaire transfrontalière qui offre un cadre juridique pour une coopération sanitaire approfondie entre les deux pays.
Récemment, la Suisse et la France ont lancé des négociations sur un accord-cadre sur le Rhône afin de renforcer la vue d’ensemble et de pouvoir mieux identifier les problèmes émergents.
- Et son rôle dans la gestion de la crise du COVID-19 ?
Depuis le début de la crise en mars de cette année, l’Ambassade a participé à la coordination étroite entre les autorités suisses et françaises. La priorité était en premier lieu la situation des frontaliers pour lesquels des solutions pragmatiques ont été trouvées. L’Ambassade a également œuvré à débloquer les livraisons de masques de protection vers la Suisse. A cela s’ajoute un appui à la coordination sur le fonctionnement des postes frontières afin de fluidifier le trafic des biens et des personnes.
Comme on peut le constater, un dialogue constant entre les autorités à tous les niveaux a contribué à gérer cette crise à travers les frontières même si la fermeture de celles-ci a été fortement ressentie dans les régions frontalières. La coordination franco-suisse était donc particulièrement importante pour les espaces de vie transfrontaliers qui sont des régions fortement intégrées.
De plus, le soutien envers les ressortissants suisses résidant en France, des Suisses de passage en France ou des ressortissants français qui voulaient se déplacer en Suisse a été et reste au centre de notre action. Répondre aux diverses questions nous demande un suivi quotidien de la situation en France comme en Suisse, notamment face à l’évolution rapide des différentes règlementations. L’Ambassade, aux côtés des Consuls généraux à Lyon, Marseille et Strasbourg, répond activement aux différents courriels, appels et aux nombreuses demandes transfrontalières. Dans cette gestion de crise, l’Ambassade s’efforce aussi de communiquer au mieux via ses différents canaux – lettre d’information, site internet et réseaux sociaux – afin d’apporter des informations les plus à jour possibles.
- Quels sont actuellement les autres dossiers prioritaires de votre mission ?
Au cœur de l’action diplomatique de l’Ambassade se trouve également l’échange avec la France sur des questions politiques, européennes, internationales et la coopération multilatérale. Nous pouvons aussi relever la bonne coopération dans le domaine militaire. Afin de renforcer nos relations bilatérales des visites de haut niveau sont organisées régulièrement entre nos deux pays. De manière générale, les services de l’Ambassade et des trois Consulats Généraux, notamment dans le domaine consulaire, sont importants pour les 200’000 ressortissants suisses en France, représentant la plus grande communauté suisse à l’étranger.
- Les questions économiques et de mobilité sont déterminantes pour le développement des régions transfrontalières. Quelles sont vos actions dans ces deux domaines stratégiques ?
L’Ambassade accompagne les différents dialogues menés entre la Suisse et la France tant au niveau politique qu’à un échelon plus technique dans le but de veiller à la fluidité des échanges à la frontière. Si sur le plan économique et commercial en particulier, le cadre est donné par les accords entre la Suisse et l’Union européenne la plupart du temps, il reste beaucoup de questions qui sont traitées au niveau bilatéral entre nos deux pays voisins. C’est le cas par exemple des règles applicables à l’imposition des travailleurs frontaliers, domaine où les prérogatives sont largement cantonales du côté suisse. L’Ambassade est également associée au dialogue annuel entre la Suisse et la France sur les mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes qui visent à assurer que les règles en place soient respectées par les entreprises qui détachent du personnel.
- Parlons de la mobilité. Les liaisons Paris-Lausanne et Paris-Neuchâtel sont menacées et leur perte serait très dommageable pour l’Arc jurassien.
– Pouvez-vous nous dire ce qui est fait au niveau des États, en rappelant l’accord d’Etat franco-suisse de 2003/2005?
Nous sommes en contact régulier avec TGV Lyria et les autorités françaises car il est dans l’intérêt des deux pays de disposer d’une offre de connections efficaces. En juillet 2019, l’Office fédéral des Transports a entrepris une médiation et organisé une table ronde avec tous les acteurs rassemblés à Dijon. La volonté y a été manifestée de travailler ensemble pour le développement de l’offre. Pour l’heure, dans le contexte de cette pandémie, c’est un défi de maintenir un minimum de trains même sur les lignes Paris-Genève et Paris-Bâle au vu de l’effondrement du nombre de passagers mais nous partons de l’idée qu’une fois la crise derrière nous, l’offre reviendra à la normale.
- Quelles perspectives voyez-vous pour le développement de l’Arc jurassien, région industrielle et exportatrice, dont le potentiel reste important.
– Et quelles sont vos actions sur ce territoire spécifique ?
Notre Swiss Business Hub (SBH) à l’Ambassade accompagne les sociétés suisses à l’export depuis 2002. Il intervient dans les mises en relation commerciales entre sociétés suisses et françaises. Les sociétés suisses jurassiennes sont à même de profiter des services du SBH dans le cadre de leur développement commercial en France. Des sociétés de la région ont fait l’objet de plusieurs mandats de recherche de partenaires en France, par exemple dans le domaine de l’industrie de machine comme dans l’horlogerie, pour ne citer que deux exemples. Les sociétés suisses jurassiennes sont très actives vis-à-vis du marché français et visent également sur la coopération de proximité en développant des projets avec les partenaires institutionnels français.
L’Ambassade accompagne également les projets des entreprises françaises désireuses d’investir en Suisse. Concrètement, nous avons déjà accompagné des projets pour le Jura, par exemple dans le domaine des prothèses orthopédiques.
- Que souhaiteriez-vous ajouter pour compléter cet entretien?
Dans notre perspective, la crise sanitaire cette année a contribué à sensibiliser tant les habitants que les autorités du haut niveau d’intégration de la vie quotidienne à travers les frontières. Des véritables bassins de vie transfrontaliers ont été créés. D’un point de vue diplomatique, il est important d’accompagner ce développement au niveau institutionnel franco-suisse et surtout à œuvrer en faveur des bonnes relations entre la Suisse et la France. Les instances au niveau régional, comme le Forum Transfrontalier de l’Arc Jurassien, jouent dans ce contexte un rôle clé pour soutenir notre voisinage et le renforcement des liens entre la Suisse et la France.
Ambassade de Suisse à Paris, le 19 novembre 2020
Entretien à distance réalisé par Marcel SCHIESS, vice-président du Forum Transfrontalier Arc jurassien.