Ah, je me réjouissais de prendre ce fameux train Delle-Belfort, inauguré en grande pompe en décembre 2018 et parangon de la coopération transfrontalière en matière de transport ferroviaire. C’était jeudi 21 novembre dernier, je quittais La Chaux-de-Fonds à 7h32 pour me rendre à Esch-sur-Alzette au Luxembourg, pour participer au Forum de la Grande Région à 16h.
Mon arrivée était prévue à 14h28. Le voyage promettait d’être long avec cinq changements et un segment à grande vitesse. Mais mon voyage aurait pu tourner court avant même de passer la Douane ! En effet, arrivés à Delle à 9h38, on annonce tout simplement que le train s’arrête là pour raisons techniques. Je sors du train et m’enquiert auprès d’un brave voyageur jurassien, qui ne peut me renseigner car il vient seulement faire ses courses à la pharmacie, côté France. Ainsi, je suis le seul voyageur de cette ligne transfrontalière. Pas de train de remplacement ou d’alternative proposée à l’écran sur le quai. La SNCF indique un problème d’alimentation électrique. Les CFF annoncent au même moment qu’un train bloque la ligne : confusion. Déterminé à ne pas « mourir à Delle », je quitte le quai et me rend à l’espace convivial de la gare où je trouve une assemblée d’aînés prenant un petit-déjeuner amélioré. Je lance à la cantonade : « Mesdames, Messieurs, je dois me rendre absolument à la Gare de Belfort-Montbéliard TGV, pouvez-vous m’aider s’il vous plaît ? » Et là, une gentille dame du service s’approche de moi et m’informe qu’il y a un bus qui fait le voyage vers Méroux TGV. Elle m’indique l’arrêt de bus et me salue. Je remercie cette belle âme, mon ange gardien. Le véhicule arrive comme prévu à 9h56 avec des voyageurs de la région, de tous âges et de condition plutôt modeste. Il arrive à l’heure prévue. J’ai encore le temps de prendre un café avant de monter dans le TGV pour Thionville, de changer deux fois de train et d’arriver à l’heure à Esch-sur-Alzette, ville de 34’000 habitants, à la frontière du Luxembourg et de la Lorraine.
Le lendemain du Forum, j’ai pris le train en sens inverse avec un TGV Nord-Sud Luxembourg-Montpellier via Mulhouse, pour rejoindre la frontière à Bâle, cette fois, avec son flux de voyageurs transfrontaliers à la différence de Delle. Mais ce TGV n’ira pas plus loin que Strasbourg car une vitre arrière du convoi a été brisée. Tout le monde doit descendre. Il a fallu 30 minutes pour que le train reparte sur le même quai, avec la même configuration. Il faut admettre que cela a été bien géré, avec une bonne communication orale et visuelle. Bon point pour la SNCF.
Avant de descendre du train, j’ai échangé quelques mots avec un jeune voyageur effectuant quotidiennement le trajet Strasbourg-Metz aller-retour. Il m’informe que c’est son lot presque tous les jours : une à deux heures de retard dont il s’accommode sans aucune acrimonie.
Une bonne leçon de sagesse et de pragmatisme. Il faut s’y faire, les trains ne sont plus à l’heure, les lignes sont surchargées, les cadences trop rapides, les incidents de parcours fréquents. Il reste heureusement quelques lignes de bus régionales et la voiture, qui se trouve elle aussi dans un trafic totalement congestionné, en France comme en Suisse.
Que faire ? Anticiper ces retards et prendre un peu plus de temps pour voyager, prendre son mal en patience, et compter sur la bonté humaine pour que tout cela n’ait plus d’importance. Les anges prennent aussi le train…
Marcel SCHIESS
Vice-Président du Forum Transfrontalier Arc jurassien
La Chaux-de-Fonds, le 27 novembre 2019