Emmanuel Macron s’est lancé, selon bon nombre d’observateurs, dans un bras de fer qui ressemble étrangement à un coup de poker, en procédant à la dissolution de l’Assemblée nationale. Si la partie n’est pas terminée, ce coup de force a conduit à ce qui ressemble à un séisme. Après des consultations longues et laborieuses, médiatiquement interrompu par la trêve olympique, le président de la République a procédé à la désignation de Michel Barnier comme Premier Ministre. Ce savoyard en a accepté le mandat à un moment de sa vie, où la plupart des gens aspirent à la tranquillité, après une activité politique riche, qui n’avait pas besoin de cette mention sur sa carte de visite. Il s’est employé à constituer un gouvernement que l’on a alternativement qualifié de technique, de transition, en sursis, et maintenant défait…
Dans une constellation politique très instable, où les jeux d’influence sont plus florentins que français, le Premier Ministre a fixé à son gouvernement la tâche de réduire drastiquement la dette publique tout en évitant de cristalliser contre lui les forces qui affirment avoir remporté l’élection à l’Assemblée nationale. Force est de constater qu’il a échoué. Revenons sur un de ses Ministres…
Depuis le 21 septembre 2024, Annie Genevard a rejoint le gouvernement au sein duquel elle a été nommée ministre de l’Agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt. La presque septuagénaire, native de d’Audincourt dans le Doubs, a derrière elle une carrière politique qui débute en 1995. Dans les mandats électifs qu’elle obtient, elle est successivement adjointe au maire de Morteau, puis maire de cette ville du Haut-Doubs, conseillère régionale de Franche-Comté, députée à l’Assemblée nationale (élue de la 5e circonscription du Doubs), vice-présidente de l’Assemblée nationale et enfin Ministre.
Sa vie politique s’exerce pour une très large part dans sa région de naissance et à son service. Indépendamment de son orientation politique, on le sait, elle a l’arc jurassien chevillé au corps. Elle a certes été une de ses voix pour ce qui concerne le territoire français. Mais pas seulement. Avec Laurent Kurt, alors conseiller communal à la Chaux de Fond, futur conseiller d’État neuchâtelois, elle a été l’initiatrice du groupement local de coopération transfrontalière (GLCT), sous la dénomination d’Agglomération urbaine du Doubs (AUD) conclu en 2006. Issu des accords de Karlsruhe de 1996, signé par l’Allemagne, la France, le Luxembourg et la Suisse, les GLCT permettent aux communes transfrontalières de signer entre elles, et de manière autonome, des accords de coopération transfrontalière, sans que les États auxquels elles appartiennent aient à intervenir. AUD, composée des communes des Fins, Morteau, Villers-le-Lac, le Locle et la Chaux-de-Fonds doit son existence à la ténacité et à l’engagement, en particulier, d’Annie Genevard et de Laurent Kurt. Ce territoire de projet existe et fonctionne aujourd’hui encore, à l’opposé du Réseau urbain neuchâtelois duquel il émane.
La présence d’Annie Genevard au gouvernement aurait pu représenter une chance, pour le moins une opportunité, pour l’Arc jurassien franco-suisse. Sa connaissance intime du territoire et de sa population, de leurs spécificités respectives, de leur force et de leurs difficultés était garante de l’intégration de cet espace dans le débat politique gouvernemental. Ne nous leurrons pas, l’activité ministérielle n’est pas comparable à celle de maire. Il n’en demeure pas moins que l’expérience et la connaissance acquise sur le terrain municipal formate la pensée et l’action, de celles et ceux qui exerce un mandat au sein d’un exécutif national.
L’arc jurassien était au gouvernement et l’on pouvait fonder des espoirs pour qu’il soit pris en considération dans le débat national français. Y retournera-t-il ? L’espoir est ténu mais il est vivace.
bwoeffray