Le temps n’est pas à l’ouverture de l’esprit
L’homme de la rue est curieux de nouveautés. Certes il faut parfois les répéter de nombreuses fois pour qu’elles soient entendues, mais notre culture prône l’ouverture aux idées différentes, même si elles dérangent. Cependant, nous avons de la peine à distinguer les anecdotes des idées décisives. Pourtant, des esprits sereins nous rappellent régulièrement notre petitesse dans l’univers. L’espèce humaine n’est sur la terre que depuis 2 millions d’années et nous prenons enfin conscience que nous ne sommes pas le centre de l’univers, et que l’humanité n’est qu’un des passagers de la terre pour un court instant à l’échelle de l’existence du système solaire. C’est un nouvel éclairage, assez loin de l’idée que l’homme doit maitriser la nature pour la mettre à son service, certes il n’est pas encore partagé par l’ensemble de la population terrestre, mais l’idée fait son chemin et je m’en réjouis. Il est très dommage que les personnes les plus influentes soient encore peu nombreuses à partager ce point de vue. Peut-être espèrent-elles encore pouvoir profiter pleinement de leurs privilèges le temps de leur bref passage sur cette terre et ensuite, … advienne que pourra.
Pourtant, en ce mois de novembre, tous nos médias sont occupés par des réflexions au sujet du COVID-19. Cette pandémie envahit tous les sujets de réflexion. Nous constatons que nos connaissances sur le sujet sont limitées, que nos raisonnements se révèlent entachés d’erreurs, que nous peinons à enchaîner des explications causales fondées et cela engendre un climat d’incertitude qui remet en cause un des besoins fondamentaux de chaque humain : la sécurité. Cette situation de notre société nous empêche de réfléchir sereinement. Les scientifiques sont pourtant habitués à s’attaquer à des problèmes difficiles, oui c’est vrai, mais quand ils exercent leur métier, leur vie quotidienne n’est pas menacée. En dehors de leurs heures de travail, ils ont l’habitude de se déplacer où bon leur semble, de rencontrer qui ils veulent. Après une longue journée de travail, ils vont boire un verre et discuter avec des amis pour se changer les idées. Avec le COVID, rien de tout cela, on n’en sort jamais. Impossible de passer des journées entières sans y penser.
Quand on réfléchit à l’avenir de notre humanité, la destruction de l’environnement de notre planète est certainement plus importante à long terme que la pandémie du COVID qui est certes un épisode difficile, mais l’humanité a déjà traversé des épidémies de peste, de choléra et bien d’autres catastrophes dont les stigmates traversent notre histoire. Les conditions de vie sur la terre se dégradent inéluctablement et à grande vitesse suite à notre comportement sur la planète Terre. Pourtant, certains pays n’hésitent pas à autoriser de nouvelles atteintes graves à l’environnement pour résoudre un problème économique immédiat. En revanche, pour le COVID, tout s’arrête, certes il y a des morts, 1,4 millions pour notre planète en une année. Toutefois, cela ne fait que moins de 2% des morts annuels habituels. Avec une vision globale des choses, on pourrait dire que c’est une anecdote. Pourtant notre vie quotidienne en est totalement perturbée, nous ne sommes plus capables d’entreprendre quoi que ce soit de nouveau, nous sommes tous en attente de la fin du COVID pour nous remettre à nos tâches habituelles. Nous avons quitté le domaine de la réflexion rationnelle. Cela s’explique parce que notre sécurité personnelle, celle qui touche à notre moi est en cause. Je pourrais faire partie de ces 1,2 millions de morts, moi qui n’ai rien fait de mal, ou si peu… On a vite oublié que nos hôpitaux étaient saturés en janvier et février 2017 dans toute l’Europe…à cause de la grippe ! Il manquait sans doute une étincelle, il y a 3 ans, pour que l’émotion gagne la société. Aujourd’hui la peur est bien répandue dans la société, c’est un sentiment désagréable à vivre, surtout s’il persiste. Il faudrait que l’on ne vive pas en attente d’une sécurité passée retrouvée, mais qu’on active toutes nos facultés de réflexion pour trouver un nouveau chemin à notre vie de société, débarrassé de tout excès de confiance et d’arrogance. Il faut s’attaquer rapidement aux vrais problèmes du futur et gérer les autres sans mettre en émoi toute la société. Je ne peux me résoudre à croire que la compassion que je vois autour de moi est négative, j’aimerais que les relations soient plus humaines au sens noble du terme et que nos émotions soient positives pour les relations entre les hommes. Il faut sans doute remettre en cause nos certitudes et nous ouvrir l’esprit.
Jacques Jacot
Fontaines, le 15 novembre 2020