Une mosaïque pour voir autrement l’Arc Jurassien
Pascale Brenet
Le manifeste du cycle 9 nous invitait à ne pas nous focaliser sur les seules questions économiques en appréhendant les dimensions multiples de la valeur territoriale. Car cette valeur est aussi culturelle, sociale, environnementale. Nous avions conclu le manifeste par cette phrase : comment transformer la ligne en espace ?
Nous avons choisi de repartir de cette question pour construire les travaux du cycle 10. Toujours vigile et aiguillon, producteur de pensées originales et prospectives, comment le Forum Transfrontalier peut-il s’en emparer ?
Comme nous l’explique Nancy Huston[1], nous sommes « l’espèce fabulatrice ». Notre vie personnelle, familiale et sociale, que cela soit à l’échelle locale ou mondiale, est faite d’histoires et de représentations. Certaines de ces histoires sont mises en images, ce qui accroît leur pouvoir de diffusion et d’assimilation. Des peintures rupestres aux murs d’images sur Instagram, en passant par les films de la propagande politique ou les bandes dessinées sculptées sur les chapiteaux d’une basilique, nous avons depuis l’aube des temps construit nos existences autour de récits mis en images. Les artistes le savent bien : ils nous offrent images, installations, vidéos et autres performances qui nous touchent, nous questionnent, parfois nous dérangent. Elles s’adressent à nos sens autant voire plus qu’à nos intellects.
A quoi servent les décisions politiques et les mesures institutionnelles et techniques si nous n’avons pas un sens commun, un imaginaire partagé ? Avec quels récits mis en images pouvons-nous raconter une histoire commune pour les citoyens de l’Arc Jurassien ? Comment peut-on construire et montrer autrement notre archipel ? Tel est le propos du cycle 10 en émergence.
Le Forum Transfrontalier réinvente ses méthodes et les adapte à chacun des cycles thématiques. Pour voir et montrer autrement l’Arc Jurassien, nous avons utilisé les outils de l’idéation. Les membres du comité directeur ont été invités, pendant plusieurs séquences créatives, à travailler sur le mot inducteur que constitue l’archipel. Il s’est agi de définir le plus largement possible, dans une pensée volontairement divergente et décalée, ce qu’évoque ce mot clé. Puisant dans la plasticité mais aussi l’exotisme qu’il suggère, les productions ont été abondantes et les discussions riches : elles ouvrent les pistes de travail de ce qui fera la matière du cycle 10.
Il ne s’agit pas à ce stade de livrer la teneur d’une production dont la construction est émergente. Mais nous en partageons dès à présent certains traits : nous aurons à cœur de montrer le sensible, parfois même l’invisible. Nous irons chercher ce que recèle le vide, le petit, les particules. Nous envisagerons ce qui est suspendu de chaque côté de notre frontière, comme des différences qui forgent une tension dynamique. Nous montrerons des lignes et des liens qui existent, ou qui n’existent pas. Nous mêlerons les approches littéraire et artistique, sociale et politique. Il sera question du vivre ensemble.
Nous n’en disons pas davantage sur la forme qui devra vous surprendre et s’adressera à l’ensemble des citoyens de notre Arc Jurassien, dans toute leur riche diversité.
Gageons que la mosaïque sera sérendipienne[2] !
Pascale BRENET, Docteur en sciences de gestion et membre du Comité du Forum Transfrontalier Arc Jurassien, Besançon, le 22 septembre 2020
[1] « L’espèce fabulatrice », Nancy Huston, collection Babel, Actes Sud, 2010
[2] De serendipity, mot anglais inventé par Horace Walpole , qui signifie découvrir par hasard et sagacité ce que l’on ne cherchait pas. A lire : « Sérendipité, du conte au concept », Sylvie Cattelin, Collection Science ouverte, Editions du Seuil, 2014.