UNE SEMAINE A PARIS
J’avais réservé depuis longtemps la deuxième semaine de novembre pour un séjour à Paris.
Je m’étais inscrit au Borders Forum, qui devait se dérouler les 9 et 10 novembre à la Cité Internationale Universitaire, un grand ensemble qui accueille deux œuvres de Le Corbusier.
Au programme : deux jours de travail et deux jours d’agrément pour retrouver Paris, après une longue absence. La première vague m’avait déjà empêché et voilà que la seconde s’installe avec fracas ! Il a fallu tout annuler et se résoudre à suivre les débats du Forum en ligne et reporter à des jours meilleurs le plaisir de retrouver l’air de Paris.
Ah, revoir Paris ! La Place de Clichy, pour y prendre un café croissant le matin sur la terrasse du Petit Poucet (peint par Pierre Bonnard), arpenter la Rue des Dames, parcourir le Quartier des Batignolles, cher à Manet, prendre un livre qui m’attend dans une librairie de la Rue des Moines. Revoir mon cher 9e arrondissement, la Rue de Douai, le Square Hector Berlioz, visiter le Musée Gustave-Moreau et le Musée de la Vie Romantique, remonter vers la Place des Abbesses et humer l’air de Montmartre, manger un pot-au-feu à Pigalle et descendre la Rue des Martyrs jusqu’à Notre-Dame-de-Lorette, hommage aux frères Goncourt. Oser quelques pas dans l’élégante Galerie Vivienne comme dans un temple silencieux, puis au grand air longer le Quai de Conti et traverser le Pont des Arts, avec ses éternels amoureux… et à la tombée du jour, recueilli dans l’Église Saint-Sulpice, me pâmer devant la peinture murale de Delacroix La Lutte de Jacob avec l’Ange et ressortir ébloui, dans la nuit étoilée…
Ah, je n’aurais pas assez de mille pages pour dire mon désir de revoir Paris !
Désappointé mais de bonne grâce, je suis resté à la maison durant cette semaine. J’ai retrouvé dans ma bibliothèque un livre de Léon-Paul Fargue, Le Piéton de Paris, paru en 1932. J’y ai noté cette perle dans le chapitre Saint-Germain-des-Prés :
« C’est à la terrasse des Deux Magots, celle d’où l’on peut méditer sur les cendres de Childebert ou de Descartes qui furent déposées à l’Abbaye, qu’un comitard assez mal décapé me fit un jour une courte esquisse de la vie parlementaire : « Un député est un électeur qui gagne à la loterie, un ministre est un député qui améliore sa situation. » Formule élastique, et qui peut aussi bien s’appliquer à la vie de tous les jours.
Marcel Schiess
La Chaux-de-Fonds, le 15 novembre 2020